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Voter le CETA : l’irresponsabilité comme ligne de conduite

Dernière mise à jour : 31 mai 2022

Le 23 juillet 2019, le projet de loi autorisant la ratification du CETA, partenariat économique et commercial entre l’Union européenne (UE) et le Canada, est voté à l’Assemblée nationale, en dépit de la mobilisation des associations et des député.e.s La France Insoumise (LFI) pendant les six années précédant le vote, et d’un discours à l’Assemblée de l’activiste écologiste suédoise Greta Thunberg quelques heures avant le vote, qui convainquent de la nocivité du CETA jusque dans les rangs de La République en Marche (LREM). D’autres votent aveuglément pour le projet de loi, comme Alexandre Holroyd, alors député LREM de la 3e circonscription des Français établis hors de France, et qui ne semble pas s’être particulièrement intéressé au sujet, comme le laissent penser ses activités dans les jours précédant le vote. Nous vous proposons de vous replonger dans la chronologie des événements.


Le CETA, c’est quoi ?

L'accord économique et commercial global (Comprehensive Economic and Trade Agreement en anglais, CETA), est un traité de libre-échange établi entre l'Union européenne et le Canada. Il prévoit notamment de supprimer les droits de douane sur 98 % des produits échangés entre le Canada et chaque pays de l’UE, d’augmenter les quotas d’importation de produits agricoles canadiens en Europe, ou encore d’ouvrir les marchés publics respectifs aux entreprises de l’autre continent, dans une logique de mise en concurrence et de relâchement des normes censés dynamiser les échanges économiques. Les négociations entre ces deux parties sont conclues le 18 octobre 2013.

Cet accord s’inscrit dans un contexte global d’accélération de la logique du libre-échange par l’Union européenne, avec des traités similaires conclus avec le MERCOSUR (communauté économique regroupant plusieurs pays de l’Amérique du Sud), ou encore le Japon (JEFTA).


Dès le 22 octobre 2013, Jean-Luc Mélenchon, alors député européen s’oppose dans un billet de blog à la conclusion de l’accord. Il dénonce un traité négocié dans la plus grande opacité, favorable aux grandes multinationales et contre l’intérêt général. Il s’inquiète à l’époque des « importantes répercussions pour l’agriculture européenne, les services publics, les droits accordés aux multinationales, les règles environnementales et sanitaires. » [1]​​.


Le 30 octobre 2016, le CETA est signé par le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, et le président du Conseil européen Donald Tusk. Pour entrer en vigueur, le traité doit maintenant être signé par les parlements des 27 États membres de l’UE (dont le Royaume-Uni à l’époque).

Dans un avis publié le 16 décembre 2016, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) met en garde sur les dangers du CETA et recommande « très vivement la réouverture des négociations afin que les enjeux liés aux droits de l’Homme soient pleinement respectés et appliqués ». Il est en particulier souligné que « le Chapitre 21 ouvre la voie au démembrement des normes et standards existants, remettant largement en cause les compétences législatives et réglementaires au sein des Etats membres, dans l’objectif affiché d’accroître la compétitivité et les échanges » (pp. 14-15) [4].


Les Insoumis.es vent debout contre les OGM

Le mardi 9 juillet 2019, Jean-Luc Mélenchon, alors député à l’Assemblée nationale, s’exprime en commission des Affaires étrangères sur le projet de loi de ratification du CETA. Le chef de file des Insoumis.es dénonce le passage en plein été devant la représentation nationale de cet important traité. Sur le fond, il défend la relocalisation des productions, critique la logique des tribunaux d’arbitrage prévus par le traité, qui contournent la souveraineté des États au profit des multinationales. Enfin, il pointe la situation du Canada quant aux OGM, produits en grand nombre et qui, sans aucun étiquetage requis par le CETA, échappent à tout contrôle et peuvent désormais arriver incognito dans les assiettes européennes.



Le 10 juillet 2019, dans la même commission, la députée insoumise du Val-de-Marne Mathilde Panot interpelle la majorité sur l’incohérence de leur position : ratifier des accords de libre-échange climaticide d’un côté et déclarer lutter contre le réchauffement climatique de l’autre : « Dans les jours à venir, je dis aux députés de la majorité qu’ils auront un choix à faire, entre deux conceptions de l’écologie : celle qui lutte contre le libre-échange sans ambiguïté, sait que capitalisme et écologie ne sont pas compatibles, et la conception hypocrite qui sert la soupe aux intérêts des puissants pour rester bien au chaud dans les ministères. »



Le 17 juillet 2019, à l’Assemblée nationale, les député·es insoumis·es appellent à voter contre le CETA lors de la journée de débats sur sa ratification. François Ruffin interpelle à cette occasion le gouvernement sur les conséquences climatiques dramatiques d’un tel traité, et Sabine Rubin sur le fait que ne pas respecter le principe de précaution, c’est s’exposer demain à des produits alimentaires contenant des farines animales et des antibiotiques en quantité : « Vous êtes au service des lobbies », dénonce-t-il.Le matin-même, Richard Ferrand, président de l’Assemblée, donne raison à La France Insoumise et accepte le vote avec procuration proposé par le groupe parlementaire LFI afin d’assurer plus de transparence. [1]


Holroyd aux fraises

Pendant que cette journée de débats sur la ratification du CETA bat son plein à l’Assemblée nationale, c’est l’été, et le député LREM AlexandreHolroyd est « Très heureux d'avoir pu guider la délégation parlementaire franco-britannique au cœur du Palais Bourbon. Visite industrielle, déjeuner de travail, séance publique, échanges sur le #Brexit : une journée studieuse placée sous le signe de la coopération FRA-UK ». Formidable.














Le vote sur la ratification du CETA se tiendra finalement le mardi 23 juillet. Un peu plus tôt ce même jour, Greta Thunberg, activiste pour le climat, prononce un discours sur l’écologie à l’Assemblée nationale. A la suite de son intervention, les député·es du groupe La France Insoumise exhibent des tee-shirts avec l’inscription « Hypocrite : adj. et n. m. et f. - Qui vote le CETA et applaudit Greta » pour dénoncer l’hypocrisie des député·es, en majorité LREM, qui ont applaudi la militante à midi et s’apprêtent à voter le CETA l’après-midi.

Quelques minutes avant le vote, lors de la séance de Questions au Gouvernement, Mathilde Panot dénonce une nouvelle fois ce double-discours des député·es LREM qui disent faire de l’écologie, mais font surtout plaisir aux lobbies. [1]



Pendant ce temps, Alexandre Holroyd passe la matinée sur BFM Business à discuter du Brexit [5]. Un sujet d’actualité certes, mais sans aucun rapport avec le vote auquel il participera pourtant quelques heures plus tard : cet après-midi-là, il se rend à l’Assemblée pour assurer à la majorité présidentielle le vote du CETA [2].

Le traité est finalement ratifié à 266 voix pour et 213 contre. Mais ce vote se fait dans des conditions difficiles pour le gouvernement, qui doit faire face à une grande réticence des député.es de son propre parti : 52 s’abstiennent et 9 votent contre. Une fronde sans précédent chez les député.es LREM, comme le rapporte alors la presse [3].


Les conséquences du CETA ont été évaluées dans un rapport publié par le collectif Stop TAFTA. Il y est établi que ces conséquences se feront sentir : sur le commerce, le secteur de l’agriculture, l’alimentation et la santé, sur l’environnement et le climat, sur l’emploi. Il ressort de cet accord qu' avec le CETA, les intérêts commerciaux et des investisseur·ses primeront – et sans retour en arrière possible - sur les considérations quotidiennes de la plupart des Européen·nes et des Canadien·nes, à savoir : une alimentation saine et de qualité [4].




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