Les romans, « essais » et poèmes de Hyam Yared ont maintenant constitué une véritable œuvre. C’est une écriture forte, originale, qui s’y est déployée et affinée. Originale comme doit l’être toute écriture authentique. Ce qu’elle veut dire ne peut être dit que par la quête continue, d’une écriture digne des meilleures modernités. Cela s’est confirmé dans le dernier roman publié, Implosions (août 2021). Cette écriture forte s’est faite dans l’immédiateté du 4 août 2020. Adéquate au sujet du roman, elle reprend et approfondit l’art maintenant efficace de Tout est halluciné (2016), ou de Esthétique de la prédation (2013).
On peut ne pas être d’accord avec l’idée de Esthétique de la prédation que la prédation est profondément ancrée dans la nature humaine : « […] la prédation se perpétue à travers les systèmes politiques quels qu’ils soient et aussi nobles, légitimes, illégitimes, abjects furent les causes ou les idées qui les ont fait naître. »
Mais comment ne pas réfléchir à : « Ainsi, les dictatures visibles ou invisibles se soucient-elles d’ancrer dans les consciences collectives de nos sociétés la peur d’autrui comme unique moyen de vaincre ce qui nous est inconnu en l’écartant de nous, ou en le dévorant.»
Certes ! Il n’en demeure pas moins que l’écriture de Hyam Yared, dévoratrice, presque par homonymie « hallucinée », opère comme le chirurgien qui vous enlève d’un geste rapide et efficace, la cataracte. On retrouvera une vue plus claire du réel. Ou, plutôt, comme l’ophtalmologiste qui, pour vous faire un fond d’œil, vous met des gouttes d’un produit qui vous sème un brouillard d’excès de lumière, un brouillard acide, qui vous rend tout invisible quelques secondes, pour mieux réussir son examen de votre vue et porter le bon diagnostic qui vous aidera à prendre les bonnes décisions pour bien voir.
Si, en revanche, vous voulez (c’est votre droit de lecteur ! A chacun ses goûts et ses jugements esthétiques et nous assumons personnellement la subjectivité de notre critique littéraire) entretenir le sommeil dogmatique sur le monde d’aujourd’hui, vous pouvez apprécier l’écriture non pas plate au sens de celle d’Annie Ernaux, notre tout récent prix Nobel français, mais écriture de platitudes, d’Alexandre Najjar, qui a récemment encore sévi dans Le syndrome de Beyrouth (septembre 2021).
Il est vrai qu’il est comme le mort-vivant qui jamais ne meurt et fait sans cesse revenir le personnage surfait du « Grand écrivain » si bien raillé dans le personnage du Dr Arnheim créé par Robert Musil dans L’Homme sans qualités (1930-1932), le « grand écrivain industriel allemand », comme l’auteur dit.
Mais quand on court après les prix littéraires, du type de celui accordé à Alexandre Najjar, de « Grand prix de l’Académie française et de la Bourse de l’écrivain de la Fondation »… Mais de quelle Fondation ? La Fondation Lagardère » ! Oui, que faire alors d’autre que d’être l’automate de l’écriture, le mort-vivant, le vieil acteur défraîchi du mythe du grand écrivain pourtant bien en loques et mangé par les mites ?
GUY DELACOUR