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BUSINESS-AS-USUAL


Vendredi 24 mars, le député Holroyd organise un workshop after work politique pour discuter des enjeux écologiques. Malgré cet anglicisme directement en provenance de la city, un workshop after work est un lieu de discussion et de confrontation d’idées pour résoudre ce que toutes et tous s’accordent à définir comme étant LE défi à relever. L’intention est louable, tant il y a à dire sur le sujet. Le timing est d’ailleurs exceptionnel car cette réunion se déroule le lendemain de la mise en ligne du rapport du GIEC, lequel faisait le constat de l’échec des politiques mises en place depuis des décennies [1].


Malheureusement, comme lors de précédentes réunions organisées par le député Holroyd, les échanges furent maigres, voir évités. Dans le fond comme dans la forme. Prenant les questions au débotté, empilant les jolies phrases et les métaphores, avec un certain sens de la formule, le député macroniste des Français de l’étranger d’Europe du Nord a répété son texte, tel un mauvais algorithme d’intelligence artificielle. Parfois sans trop savoir de quoi il parlait, mais le poing serré et le verbe fort ; parfois convaincu et sûr de lui car une possibilité économique s’esquissait (on ne se refait pas après tout). Qu’importent les enjeux, le député Holroyd donne l’impression d’être en campagne, la remise en question n’est pas au programme. Qu’importent les conséquences, on ne change pas une méthode qui rate. Hélas, ce n’est pas parce que l’on s’habille en vert que l’on devient un citoyen écolo et responsable.


Très rapidement les questions tournent autour du nucléaire, garantie d’une énergie décarbonée abondante et fer de lance de la politique énergétique voulue par l’exécutif français. Satisfait de pouvoir expliquer les différents modes de refroidissement des réacteurs classiques, le député ne s’offusqua guère lorsqu’il lui fut rappelé que l’eau nécessaire au refroidissement se raréfiait, et que cela pourrait être problématique. Il montra néanmoins un intérêt réel pour les petits réacteurs modulaires, dont les enjeux économiques sont non négligeables. Il ne prit malheureusement pas la peine de commenter lorsqu’on lui rapporta les risques accrus de fuite et de toxicité des déchets [2]. Loin de s’émouvoir de ces questions « subsidiaires », il ne trouva rien à redire, voir opina, lorsqu’un participant mentionna la prétendue autonomie de la France en Uranium [3]. Même s’il fallait s’accommoder de quelques droits de l’Homme bafoués ici ou là, avec des dictatures d’Asie Centrale ou d’Afrique Subsaharienne, les intérêts supérieurs de la nation et du business-as-usual l’emporteraient. Quant à la présence d’intermédiaires nouvellement implantés dans la distribution de l’énergie, n’apportant aucune plus-value et coûtant aux contribuables des milliards, le député ne prit même pas la peine de faire semblant de s’offusquer [4]. Business-as-usual.


En revanche, là où le député se montra prolixe et confiant, ce fut bien évidemment sur le plan financier. Rien de plus normal de la part d’un banquier dont c’est la profession et surtout le mode de raisonnement. Le problème de taxation des carburants amènerait des guerres commerciales entre pays, telles que les vivent nos vendeurs de cigarettes proches des frontières. Mais quelle tristesse et quel manque de courage politique de ne même pas se donner la peine de penser à des solutions contre cette hérésie. Laissons faire. Et, là où le bât blesse, là où la honte aurait dû enfler, c’est dans la vision totalement prédatrice développée tout au long de l’échange. Alors que nous faisons tous et toutes face à un drame environnemental sans précédent, à une extinction de masse, cette catastrophe représente avant tout pour le député Holroyd une opportunité entrepreneuriale. En bon techno-solutionniste, cet aveuglement nous conduit irrémédiablement à la chute.


Absorbé par l’obsession du CO2 et du changement climatique, le député fait fi de la multitude de problèmes qui pèsent sur la planète. Inégalité des ressources, érosion des sols, problèmes des usages et de la disponibilité de l’eau, et enfin, effondrement de la biodiversité. Faut-il attendre comme les habitant.es de Mexico ou de Tegucigalpa que nos décideurs fassent la queue pour quelques litres d’eau pour enfin se réveiller [5]? Il est édifiant de voir à quel point un soi-disant adepte des technologies ignore autant de paramètres cruciaux dans l’équation complexe du vivant pour satisfaire sa croyance. Sa croyance en un projet capitaliste, extractivisme, de captation avide et de croissance potentiellement infinie sur une planète aux ressources finies le rend sourd aux malheurs qu’il inflige. Sur les 9 limites à ne pas franchir pour garder notre Planète Bleue encore habitable, 6 ont déjà été allègrement franchies [6]. Mais non, business-as-usual.


Notre député pro-nucléaire est convaincu qu’il est dans le bon, dans le sens de l’histoire, dans le vrai. Pourtant, même parmi les pro-nucléaires les plus fervent.es tels que Jancovici, une nouvelle musique apparaît : le besoin de moins consommer, de beaucoup moins consommer, et cela de manière drastique. Un changement radical qui demande un courage politique [7]. Les démonstrations sont nombreuses, désormais irréfutables. Mais face à la réalité, l’esbroufe se fait plus belle. Au nom de la sacro-sainte liberté, impossible de contraindre. Les lois liberticides votées ces dernières années n'étaient donc que des illusions. Et quitte à choisir entre les écosystèmes et la liberté d’entreprendre, M. Holroyd a été extrêmement clair : il choisira l’entrepreneuriat auto-destructeur et ses profits indécents, ses développements urbains, ses forêts ravagées et les horizons bloqués au détriment d’un futur viable et la possibilité de temps suspendu. Le député Holroyd choisit l’écocide. Sans remettre en question les orientations de son cœur, Mr Holroyd s’est alors lui-même disqualifié en public pour répondre à toutes questions relatives aux risques climatiques. Business-as-usual


Et lorsqu’il lui fut rappelé qu’il avait l’offense à géométrie variable sur les répressions des libertés individuelles, la carte de la légitimé du pouvoir actuelle au sein de notre belle démocratie fut sortie. Ils avaient été élus, lui et le gouvernement, au cours d’un jeu de vote qui apparaît de plus en plus pourri, et ou l’abstentionnisme est le premier parti de France. Et ce, le jour même où le Financial Times explique que la France a le régime qui, dans le monde développé, se rapproche le plus d'une dictature autocratique [8]. Un sens du timing assurément. Un sens de la responsabilité et du devoir, ou plutôt, du business-as-usual.


La tristesse de cette réunion est le fruit amère de la médiocrité de nos élus. Capables de complexes fonctions cognitives pour établir des stratégies financières sophistiquées, étant malheureusement tous du même moule, ils sont incapables d’imaginer un autre monde. Un monde où nous ne détruisons pas tout sur terre, un monde où la concurrence n’est pas mère des rapports en société. Leur modèle est responsable du terrible changement climatique auquel nous devons faire face et duquel il faut se défaire avec urgence. Alors que le député Holroyd se prévaut de s’offrir un quart d’heure chaque jour pour la lecture, on ne peut que constater la tristesse de son imaginaire, son incapacité à rêver un autre monde. Même pour ses enfants. Mais bon, business-as-usual…


NUPES-Monde, circo 3



« Quelque chose dans les événements semble chercher en nous ce qu'il y a de plus précieux pour le réduire, l'organiser, le faire passer de l'intime au monnayable. Ce temps qu'on veut nous prendre pour équilibrer des comptes, satisfaire des créanciers, rassurer les marchés et complaire à l'ego d'un homme qui se sent d'autant plus juste qu'il a raison contre tous, ce temps-là, c'est celui du dimanche et de la pluie, des bals et des guinguettes, des mélancolies vaines, des chansons tristes, des enfants endormis sur nos genoux, des couples qui se tiennent la main, le temps du cours de l'eau et des passants qu'on regarde depuis la terrasse d'un café, le temps passable où peut-être nous n'avons plus rien à faire, que respirer et écouter les bruits d'un jardin. Ce temps n'est pas seulement celui de la retraite ou des loisirs. Il est le moment de la vacance, temps suspendu où soudain nous levons le nez du guidon, ému, soudain conscient de ce qui passe, de ce qui reste, temps du passé simple, de l'imparfait, du futur antérieur, conjugaisons de la profondeur, de la fugacité et des permanences, paresse profonde qui fait germer ces pensées auxquelles la performance fait constamment la chasse, et qui sont comme de petites voix sombres : écoute, tu n'as pas l'éternité pour toi, il te faut vivre et aimer tout de suite, ne te laisse pas dépouiller de ta maigre durée, ne deviens pas cette pure machine occupée à la richesse des autres. Cabre-toi. Il n'y a pas d'après. Aucun calcul ne justifie que tu cèdes encore sur l'essentiel. Oppose ton désir à la cadence. Désespère la volonté qui courbe ton dos. Sois sûr qu'un lit t'attend tout au bout et que tu y seras seul pour faire le décompte de ta joie. Ne laisse pas l'ogre des ordres d'ensemble et des grandeurs générales te convaincre de céder une autre seconde que tu aurais pu consacrer au libre exercice de ta force. Ne te rends pas. Tu as trop donné de ta vie déjà. »


Nicolas Mathieu

[1] https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/ [2] https://news.stanford.edu/2022/05/30/small-modular-reactors-produce-high-levels-nuclear-waste/#:~:text=These%20materials%20become%20radioactive%20when,composition%20of%20their%20waste%20streams. [3] https://reporterre.net/Nucleaire-la-France-toujours-dependante-de-l-uranium-russe [4] https://cfe-energies.com/scandale-de-la-spoliation-dedf-par-larenh/ [5] https://www.worldwatercouncil.org/fileadmin/wwc/News/WWC_News/water_problems_22.03.04.pdf [6] https://reporterre.net/Qu-est-ce-que-les-limites-planetaires [7] https://www.youtube.com/watch?v=Fjb72jZ3SpA [8] https://www.ft.com/content/b78f2a89-1062-4423-a4ba-fb4cdc56c683?s=08

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